Vichy Fictions et Violences à Vichy II : Jean-Pierre Vincent met en scène l’histoire
Écrit par Noémie Lecomte
En 1980, Jean-Pierre Vincent présente au public du Théâtre national de Strasbourg, dont il est à l’époque le directeur, Vichy Fictions, une mise en scène composée de deux pièces.
Né en 1942, Jean-Pierre Vincent grandit dans l’après-guerre. Sensible à la survivance de l’extrême droite dans la société française, il cherche dans son travail à mettre en lumière cette intuition politique. Plus précisément, il souhaite se concentrer sur le régime de Vichy, peu représenté au théâtre.
Dans une note manuscrite, Jean-Pierre Vincent révèle ses intentions. « Au risque de vous décevoir, nous ne monterons pas… les divisions bottées de fer martelant notre beau pays […] Nous irons dans les pensées cachées, là où les livres n’ont rien dit […] ». Jean-Pierre Vincent fait appel à Henry Rousso, historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, afin de documenter son travail sur le Régime de Vichy.
Fonds Jean-Pierre Vincent / Archives Imec
Le spectacle est composé de deux pièces : la première à partir du texte Violences à Vichy écrit par Bernard Chartreux, la seconde de Ruines et Convoi, textes de Michel Deutsch. Ces deux pièces ne se suivent pas chronologiquement et sont jouées en alternance, permettant au public d’assister aux représentations dans l’ordre de son choix.
Parmi les personnes qui ont travaillé sur ces spectacles, on retrouve des collaborateurs récurrents de Jean-Pierre Vincent : Bernard Chartreux et Michel Deutsch, Jean-Paul Chambas pour les décors, Sylvie Muller pour la dramaturgie, et des acteurs tels qu’Evelyne Didi, Alain Rimoux et Dominique Muller.
Fonds Jean-Pierre Vincent / Archives Imec
Marqués par la croissance du parti d’extrême droite français et la médiatisation du procès Touvier, Jean-Pierre Vincent et Bernard Chartreux décident de revisiter le texte Violences à Vichy et de proposer au public une nouvelle mise en scène en 1995, Violences à Vichy II. Cette réécriture est aussi une réactualisation : Bernard Chartreux garde une moitié du premier texte et le complète. Les thèmes de l’antisémitisme et de la collaboration, qui n’avaient pas été traités dans le premier spectacle, sont abordés dans cette reprise.
Dans ce spectacle, Jean-Pierre Vincent remonte sur les planches, aux côtés de Bernard Chartreux et d’Olivier Besson, assistant à la mise en scène. Jean-Paul Chambas a créé les décors et les costumes sans maquette, au fil des répétitions.
Fonds Jean-Pierre Vincent / Archives Imec
Au long de sa carrière et à travers ses spectacles, Jean-Pierre Vincent n’hésite pas à aborder des thèmes politiques. Il monte Germinal afin d’alerter sur la condition ouvrière, ou met en scène Karl Marx : théâtre inédit pour lutter contre l’ultralibéralisme. Il se positionne en défenseur du monde du théâtre et soutient publiquement la situation des intermittents du spectacle contre la précarité et les politiques culturelles avares.
Le fonds Jean-Pierre Vincent est composé d’archives de 79 mises en scène entre 1963 et 2019, mais également d'archives qui témoignent des multiples fonctions de ce metteur en scène - directeur du Théâtre national de Strasbourg, puis du Théâtre Nanterre-Amandiers, administrateur général de la Comédie-Française, enseignant… Ces archives révèlent une pratique théâtrale singulière et un esprit vif, rigoureux : textes annotés, notes de répétitions, documentation de travail, croquis… Ces documents précieux invitent à découvrir les coulisses de la création théâtrale.
Noémie Lecomte, étudiante en Master Histoire et patrimoine de l'Université de Caen-Normandie a effectué un stage sur le fonds Jean-Pierre Vincent de février à mai 2023.
Le texte Violences à Vichy II de Bernard Chartreux est publié aux Éditions Théâtrales.
Les archives du Théâtre Nanterre-Amandiers sont conservées aux Archives départementales des Hauts-de-Seine.