La photo est posée sur un rayon de ma bibliothèque.
Je viens d'être accueilli par la mère de Roland Barthes dans leur appartement de la rue Servandoni. Roland Barthes nous a rejoint. Il m'a précédé dans l'étroit escalier qui conduit à son bureau. Je prépare un entretien avec lui, destiné à artpress, à l'occasion de la parution de son livre, Le discours amoureux, publié en 1977 au Seuil. Sur la photo, nous sommes assis l'un en face de l'autre. On voit, sur la table basse qui nous sépare, mon appareil enregistreur, sous ma main droite des feuilles de notes manuscrites, sur une coupe des objets divers, à côté un paquet de cigarettes, des allumettes, un cendrier bourré de mégots, deux livres. Barthes, mains croisées sous le menton, sourit.
Dans sa lettre, très touchante pour moi, Barthes me remercie du petit texte que j'avais rédigé ouvrant notre entretien. Cet homme, modeste, généreux, d'une grande courtoisie, très attentif aux autres, était pour ma génération, disons celle de Tel Quel, pour aller vite, la figure de l'intellectuel le plus profond, le plus admiré.
Jacques Henric
