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Matières premières

Le livre pendant l'Occupation

8. Congrès des écrivains et des artistes à Weimar

Quelques jours dans l’intimité de

Photographié au début de la guerre, Marcel Jouhandeau – fort épris d’un jeune poète allemand, Hans Baumann, chantre du IIIe Reich, qui était du voyage, mais aussi et surtout de Gerhard Heller – déclare à ce dernier qu’il a accepté l’invitation au Congrès de Weimar « pour prouver qu’un Français de plus n’était pas germanophobe ».
Extrait de ses « Souvenirs d’Allemagne » :

« 5 octobre [1941]. Aperçu de ma fenêtre ambulante le tombeau de Charlemagne. Messe à la cathédrale de Cologne. Déjeuner en face. De la ville le silence est sensible jusqu’à l’obsession à nos oreilles saturées du caquet de Paris.
[…] Après la réception, promenade au clair de lune jusqu’au bord du Rhin en compagnie de H[eller], de Ch[ardonne], et de F[ernandez].
[…] Miracle de la lune sur la place du Rathaus dont j’imagine les salons azur et perle endormis que hantent les images-fantômes des prélats d’autrefois comme en rêve.
Mon âme ici ton heure de dépaysement merveilleux et de gloire secrète est venue.
[…] Méditation nocturne : pourquoi ou pour qui suis-je venu ? pour la France et pour moi, parce que depuis que j’ai su lire, comprendre et sentir, j’ai aimé l’Allemagne, ses philosophes, ses poètes, ses savants, sa musique, mais je l’aime davantage depuis 1940, à cause de tout le mal qu’elle aurait pu nous faire et qu’elle ne nous a pas fait et de celui qu’elle a sans doute empêché qu’on nous fît. »

À son retour, il publie dans La NRF de décembre 1941, dirigée par Drieu la Rochelle, « Témoignage » : « J’ai pu vivre enfin quelques jours dans l’intimité de gens, hier nos ennemis, et dont la délicatesse à notre égard aujourd’hui me confond. […] Ne serait-il pas temps pour la France, en effet, de se comprendre et de comprendre l’Allemagne, de comprendre que l’Allemagne n’est pas ce qu’on nous a prêché, de comprendre aussi que les hommes d’Adolf Hitler ne sont pas ceux que l’internationalisme a eu intérêt à décrier à nos yeux pour nous les faire haïr. »

Crédit photographique : D. R.
Archives Jean Paulhan / Imec