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La raison du plus fou - Tony Lainé - Penser la psychiatrie aujourd'hui

La raison du plus fou - Tony Lainé - Penser la psychiatrie aujourd'hui

« La psychiatrie n’est pas une sinécure. Nous le savons tous. Surtout quand on entretient l’ambition de reconnaître en tous moments le sujet dans sa demande, sa souffrance et son histoire ; et qu’on pousse en plus la prétention de découvrir du sens dans la parole ou le geste insensé... Je ne doute pas que j’ai eu une chance inouïe de travailler pendant toutes ces années dans une équipe mobilisée par de tels buts. J’ai longtemps pensé que le projet de transmettre ce genre d’expérience était une gageure. Aussi, j’ai de l’admiration pour ceux qui se sont aujourd’hui attelés à cette tâche et, ma foi, je les accompagne volontiers… ».
Tony Lainé, « Éloge de la démocratie »

L’ évolution de notre société favorise un climat qui rend plus que jamais actuelle l’exigence rappelée par Tony Lainé : « Il faut lutter contre notre propre fascisme ». C’est cette revendication, forgée après la 2e Guerre Mondiale, qui a sous-tendu la refondation de la psychiatrie française pour écarter la ségrégation déshumanisante de la folie. La psychiatrie et la pédopsychiatrie publique actuelle, bâties dans les 50 dernières années, en sont le résultat - plus ou moins abouti.
Actuellement, la neuropsychiatrie positiviste, fondée sur les preuves statistiques, tend à remplacer la clinique de la psychopathologie par une gestion bio-éducative du symptôme, négligeant la causalité psychodynamique, voire même la dimension psychique du sujet. Plus globalement l’espace public est envahi de messages néolibéraux chaotiques qui souvent renforcent les pulsions transgressives des personnes fragiles. L’évaluation statistique ne génère pas de valeur humaine tant nécessaire dans les situations précaires, alors comment s’étonner que la psychiatrie – reflet de la société – soit elle aussi « en crise » ?
Nous ressentons le besoin de défendre et de repenser nos pratiques, comme a pu le faire – en son temps - Tony Lainé, dans le souci de l’autre et dans la solidarité avec la folie. Il avait démontré, en tant que psychanalyste, qu’en s’appuyant sur la culture, la création, la formation dans l’esprit de l’éducation populaire, on trouvait des sources vives pour subvertir la force des inerties. Il a esquissé une manière d’être en mouvement pour l’homme dans le monde à travers la notion de « l’agir ». Lui-même, ses collègues et leurs partenaires, ont bâti le réseau des dispositifs de soins alternatifs, novateurs, souples et ouverts, tout en favorisant la prévention.
Il est pertinent de revenir sur cette période, dont les effets sont encore très présents dans notre quotidien professionnel. Rappeler ses pratiques novatrices, son éthique, son « souci de l’autre », les réalisations des équipes qu’il a animées, les films qu’il a tournés, nous permettra de penser la psychiatrie aujourd’hui. Ce n’est pas qu’une pensée de spécialiste, elle s’ouvre sur la société, l’éducation et la culture. L’œuvre de ce pionnier de la psychiatrie de l’enfant qu’était Tony Lainé, soucieux de transmettre sa pratique, son éthique, et son amour de l’humain, garde toute sa fécondité.

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