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Voir ce que devient l’ombre. Un portrait de Cécile Reims et Fred Deux par Matthieu Chatellier
L’un est la guérison de l’autre. Voilà ce que l’on se dit à propos de Fred Deux, écrivain et dessinateur, et de Cécile Reims, graveur, après avoir vu le documentaire de création signé par Matthieu Chatellier. C’est ainsi depuis leur première rencontre à Paris, à la galerie La Hune en 1951 (voir La Lettre de l’IMEC n°10, automne 2009, p.16). Sans le long exercice d’une vie commune, comment supporter, devant une caméra et en présence d’un archiviste, le dessaisissement programmé par contrat de leurs archives ? Comment affronter la « mise en liste » qui précède la « mise en boîte » de la correspondance, des manuscrits, des inédits, des cahiers, des notes diverses, des cassettes audio, des ouvrages et des catalogues…, toutes choses vivantes qui seront bientôt immobilisées sous la forme d’un inventaire.
Fred Deux ne se dérobe pas au jeu de la remémoration proposé par le réalisateur. Dans un très beau plan séquence de près de neuf minutes, il raconte son amitié, dans l’ambiance prolétaire d’un Boulogne d’avant guerre, avec Chicheportiche, un jeune voisin de son âge. Narrateur incomparable, il évoque les séances de dessins à quatre mains sur les « bleus » rapportés de l’atelier par son père, avant l’arrestation de son jeune ami par la police française. Il aurait bien aimé s’appeler Fred Chicheportiche... La chasse aux Juifs aura une réalité encore plus aiguë pour Cécile Reims qui doit partir seule, à 14 ans, vers Marseille puis Castres, Albi et Toulouse où elle vivra sous une fausse identité. Quant à la famille restée en Lituanie… À l’œuvre déjà faite, l’œil de la caméra préfère le travail en cours et souligne au passage l’étonnante similitude des gestes lorsque Fred Deux dessine et Cécile Reims grave. Cette caméra est portée à l’épaule par Matthieu Chatellier qui, à tour de rôle, accompagne et dialogue avec les deux artistes. La présence hors champ d’un interlocuteur contribue à tirer le film hors du temps commun et à le projeter dans cet intervalle clair-obscur qui lui donne une « valeur testamentaire », comme l’affirme Cécile Reims dans une lettre lue d’entrée de jeu, en voix off, par Matthieu Chatellier. Le récit biographique est magnifié par le montage de Daniela De Felice, à l’écoute (durant 60 heures d’images et de son) des émotions rapportées par son compagnon de chacun des six séjours qu’il a effectués, entre juillet 2008 et août 2009, à La Châtre où vivent Fred Deux et Cécile Reims. Au défi des générations, ce regard d’un couple d’artistes sur un autre couple d’artistes renouvelle, par l’image animée et le dialogue, le vieux genre des « vies d’artistes ».
La projection du film de Matthieu Chatellier était suivie d’un débat qui a réuni, autour du réalisateur, Yves Chevrefils Desbiolles, responsable des fonds artistiques à l’IMEC, Albert Dichy, directeur littéraire de l’IMEC, Daniela De Felice, monteuse, et Gérald Leroux, producteur.
Yves Chevrefils Desbiolles
La Lettre de l'IMEC, n° 12, automne 2010, p. 50.
Les archives de Cécile Reims et Fred Deux.
Planche tirée de L’Ombre la branche de Jean Tardieu.
Archives Jean Bazaine / IMEC.
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L’art se saisit de tout : les fonds artistiques conservés à l’IMEC