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Matières premières

Le livre pendant l'Occupation

15. Une seule pensée, la liberté, par Paul Éluard

Au nez et à la barbe des censeurs

L’œuvre est publiée, sous son premier titre, « Une seule pensée », dès juin 1942 en tête du n°22 de la revue, au nez et à la barbe des censeurs d’Alger auxquels Max-Pol Fouchet fait croire qu’il s’agit d’un poème d’amour… Mais Paul Marion, secrétaire général à l’Information à Vichy, lui demande d’en finir avec « ces clins d’œil complices au lecteur averti, sous peine de sanctions graves ».

L’étau se resserre autour de Paul Éluard, dont l’activisme anti-nazi est patent et les publications de plus en plus clairement résistantes : il doit, avec sa compagne Nusch, entrer en semi-clandestinité en octobre 1942, refusant l’exil en Suisse, que leur propose Albert Béguin, directeur des Cahiers du Rhône. Paul Éluard se cache chez le libraire José Corti, rue de Médicis, puis chez un autre libraire, Lucien Scheler, rue de Tournon. Quelque temps après avoir envoyé une lettre de rupture à Drieu la Rochelle, Paul Éluard rejoint, en décembre 1942, les rangs clandestins du Front national des Écrivains – constitué à l’automne 1941 autour de Jean Paulhan et Jacques Decour, en compagnie de Claude Morgan, Jean Guéhenno, Charles Vildrac, Jean Blanzat, Édith Thomas –, et se réinscrit au parti communiste en mars 1943…

« Liberté » prend rapidement le statut d’une sorte d’hymne de la Résistance intellectuelle : il est lu en public à Marseille par Gabriel Audisio, en Auvergne par Louis Parrot qui en distribue 500 exemplaires envoyés par Éluard ; de son côté, Max-Pol Fouchet en vend en zone sud ; le poème est diffusé sur les ondes de la BBC et de la Voix de l’Amérique. Les peintres Cicero Dias et Roland Penrose s’en font les propagateurs en Amérique. Republié à Londres en avril 1943, par les gaullistes de La Revue du monde libre, sous un tout petit format in-32, « Liberté » est alors parachuté à des milliers d’exemplaires, en même temps que des containers d’armes, de médicaments et d’explosifs, sur le territoire français par les avions de la RAF.

Crédit photographique : D. R.
Archives Max-Pol Fouchet / Imec