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Alain Robbe-Grillet, aventurier du Nouveau Roman
En 2001, Alain Robbe-Grillet avait choisi de confier ses archives à l’Imec. À l’occasion du centenaire de l’écrivain, considéré comme le « pape du Nouveau Roman », Benoît Peeters publie un essai biographique, Robbe-Grillet. L’aventure du Nouveau Roman, aux éditions Flammarion, ainsi qu’un livre de grands entretiens, Réinventer le roman.
Écrire la biographie d’Alain Robbe-Grillet tient du défi. Il s’est tant de fois expliqué et raconté dans des entretiens, des conférences et des débats. Et bien sûr dans les trois volumes des Romanesques, son autobiographie décalée. C’est comme s’il avait enseveli les commentateurs futurs sous une impressionnante quantité d’écrits et de propos. Et aujourd’hui sous la masse, plus considérable encore, des archives conservées à l’Imec : quatre-cent-cinquante-neuf boîtes de grande dimension, occupant cent-dix mètres linéaires. Un ensemble hétéroclite, parfois décourageant à force d’abondance : l’accumulation de documents constitue peut-être le plus efficace des remparts. Robbe-Grillet a gardé des papiers de toute nature : des manuscrits et des lettres bien sûr, des photographies et des coupures de presse, mais aussi des cartons d’invitation, des billets de train, de bateau et d’avion, des circulaires et des brochures administratives. Des trésors s’y dissimulent, d’autres pièces demeurent introuvables.
Dans Le Miroir qui revient, après avoir fait le portrait de son grand-père maternel, il écrit : « Voilà donc tout ce qu’il reste de quelqu’un, au bout de si peu de temps, et de moi-même aussi bientôt, sans aucun doute : des pièces dépareillées, des morceaux de gestes figés et d’objets sans suite, des questions dans le vide, des instantanés qu’on énumère en désordre sans parvenir à les mettre véritablement (logiquement) bout à bout. C’est ça la mort… » Et aussitôt, il évoque, pour mieux s’en démarquer, « tout le système romanesque du siècle précédent, avec son pesant appareil de continuité, de chronologie linéaire, de causalité, de non-contradiction ». Une biographie classique, au moins autant qu’un roman, apparaissait donc à Robbe-Grillet comme « un projet grandiose et contre-nature », s’efforçant d’établir un récit lisse et unifié, là où il ne voyait que chaos et fragments disparates. Pour éviter cet écueil, il a voulu dans les Romanesques évoquer sa vie sur un mode en partie fictionnel, contribuant au renouveau de l’écriture autobiographique.
Mon projet est d’une autre nature. Sans prétendre à l’exhaustivité, et moins encore à la vérité, j’ai essayé de faire émerger une histoire assez différente de celle qu’il se plaisait à raconter. Loin de la froideur et de la sécheresse trop souvent associées à Robbe-Grillet et au Nouveau Roman, j’ai voulu raconter une aventure intense et parfois chaotique, avec ses amitiés et ses brouilles, ses coups d’éclat et ses zones d’ombre, en un temps, si proche et si lointain, où les débats littéraires pouvaient soulever les passions.
Benoît Peeters
Romancier, essayiste et scénariste de bandes dessinées.
Alain Robbe-Grillet. Brouillon du Voyeur, initialement intitulé Le Voyageur, sur un cahier d’écolier, s. d. (Paris, Minuit, 1955). Archives Alain Robbe-Grillet/Imec.