Marcel Allain, ou Fantômas sur les routes de France

« J’espère que ma signature de romancier suffira à retenir votre attention sur la proposition assez sensationnelle que je viens vous faire ». En 1935, Marcel Allain, l’auteur à la centaine de romans populaires déjà édités, célèbre depuis 1911 grâce à  Fantômas, sollicite les directeurs de journaux régionaux à propos de son dernier roman, Fantômas joue et gagne. 

Dès l’été, alors que l’écriture du roman n’est pas encore achevée, il propose à chacun, dans la limite de son territoire de diffusion, la publication en exclusivité du texte sous forme de feuilleton. Le principe consiste à multiplier les ventes dans toute la France pour un prix raisonnable, plutôt que de céder l’exclusivité à un journal national pour un prix avantageux.

Marcel Allain ne cache pas son enthousiasme et son volontarisme. S’il le faut, il est prêt à prendre sa voiture et à faire des centaines de kilomètres pour rencontrer personnellement les directeurs de rédaction. Il tient des listes, note dans un carnet ses commentaires sur les personnes et les villes vues. « Je suis de la vieille école, celle de mes débuts, alors qu’on aimait tout ce qui était nouveau ».

Par courriers personnels, il argumente, vante son œuvre, négocie primes et tarifs et flatte discrètement ses interlocuteurs. À la fin de l’année, après six mois de « travail d’accrochage », il dispose de 37 contrats en France et en Algérie. Il planifie, après cette première vague, une tournée l’année suivante dans des journaux plus confidentiels, repoussant la publication en livre à une troisième année, de façon à conserver sa « nouveauté » au titre.

« Le difficile », disait-il à propos de son travail, « ce n’est pas de ‘faire bien’, c’est de placer ce que l’on a fait ». Marcel Allain innove pour que, toujours,  Fantômas joue et gagne.