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Une lettre de George Eliot

Une lettre de George Eliot

Écrit par Lorraine Charles

Dans le fonds Lucien Lévy-Bruhl, se trouve une petite lettre, en anglais, adressée au Professor Beesly. L’inscription « autographe de George Eliot » ajoutée sur l’enveloppe par une autre main attire immédiatement le regard.

Datée du 6 décembre 1871, elle est écrite sur du papier à en-tête « The Priory, 21 North Bank, Regents Park », adresse londonienne de George Eliot entre 1863 et 1876.

La signature « ME Lewes », est le reflet des choix de vie de son auteure et des libertés prises à l’égard des règles sociales en vigueur.

Lettre de George Eliot à Edward Spencer Beesly (6 décembre 1871)
Fonds Lucien Lévy-Bruhl / Archives Imec

Née en 1819 sous le nom de Mary Anne Evans, la romancière choisit, dès les années 1840, d’utiliser une version simplifiée de son prénom « Marian ».
Le E garde la trace de son patronyme Evans. Quant à Lewes, il s’agit du nom de son compagnon George Henry Lewes, avec lequel elle vivait sans être mariée.

Comme nombre de femmes de lettres, elle publie sous un pseudonyme masculin. Le prénom George utilisé pour la première fois en 1857 est celui de son compagnon, mais rend aussi un hommage à George Sand, reconnue pour ses qualités littéraires et sa réputation d’anticonformisme. Quant au patronyme Eliot, il lui semblait suffisamment banal pour dissimuler sa véritable identité.

Dans cette lettre, George Eliot s’adresse à Edward Spencer Beesly (1831-1915). Cet universitaire, historien et philosophe est l’un des animateurs du mouvement positiviste anglais. Il fait partie du cercle des amis intellectuels, scientifiques ou écrivains, les plus proches du couple Lewes.
Réformateur, ardent défenseur du suffrage universel et de la cause ouvrière, il a présidé le 28 septembre 1864 la réunion de St Martin’s Hall qui allait aboutir à la création de l’Association Internationale des Travailleurs (connue aussi comme la Première Internationale).

1871 est une année très importante pour les deux correspondants. En effet, après plusieurs succès éditoriaux, George Eliot publie en fin d’année le premier livre de Middlemarch, son roman le plus célèbre.

De son côté, après la publication de Letters to the Working Classes et A Word for France, addressed to the Workmen of London, Edward Beesly prend cette même année la défense de la Commune de Paris.

Il s’avère difficile de déterminer le contenu exact de cette lettre. On comprend toutefois que leur échange porte sur un différend entre Edward Beesly et probablement la Pall Mall Gazette « PMG », dans laquelle George Eliot elle-même a publié à plusieurs reprises. Un article, paru le 1er novembre 1871, fait suite à un courrier de Edward Beesly dans lequel l’historien accuse le quotidien d’avoir déformé ses propos sur les mouvements ouvriers, notamment en France. George Eliot et Edward Beesly semblent se réjouir de la mise au point publiée par le journal.

Cette lettre d’apparence anodine nous plonge au cœur de l’activité journalistique, éditoriale et sociale à laquelle participent George Eliot et Edward Beesly. La romancière est aujourd’hui reconnue pour ses qualités littéraires, mais c’était aussi une femme très engagée politiquement et socialement, qui a su passer outre les convenances pour défendre ses convictions.


Pour aller plus loin :

La Compagnie des œuvres sur France Culture a consacré une série de trois émissions à George Eliot (diffusée en septembre 2020).

L'Autre George. À la rencontre de George Eliot de Mona Ozouf est paru aux éditions Gallimard.


Lien vers le fonds Lucien Lévy-Bruhl sur le portail des collections.
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