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Christian Bourgois, un éditeur aux multiples facettes

Christian Bourgois, un éditeur aux multiples facettes

Sans doute un des éditeurs les plus mythiques du XXe siècle, avec Jérôme Lindon et François Maspero, Christian Bourgois (1933-2007) s'est fait connaître du grand public en 1989 lorsqu'il a décidé de publier la traduction française des Versets sataniques de Salman Rushdie. Menacé de mort, placé sous surveillance policière, il refusa de céder au chantage des islamistes déchaînés et publia sous son seul label, « Christian Bourgois éditeur », ce livre aujourd'hui considéré comme un des plus importants de l'auteur. À la date où se produisent ces événements, Christian Bourgois, qui a commencé sa carrière chez Julliard, est le directeur littéraire des Presses de la Cité (Plon, Perrin, Julliard), une des maisons du Groupe de la Cité dont son frère, Jean-Manuel, est l'un des principaux dirigeants. L'un et l'autre le quitteront en 1991, et Christian Bourgois se consacrera désormais à sa maison d'édition fondée en 1966, et à de nombreuses autres activités dont la présidence du conseil d'administration de l'IMEC et celle de la Commission d'avance sur recettes du CNC. Fils d'un officier de marine, brillant élève du lycée Louis-le-Grand où il côtoya Jacques Chirac et le fit adhérer à la Jeunesse communiste, reçu au concours d'entrée à l'ENA en 1955, il en démissionne en 1959 après avoir effectué, entre-temps, son service militaire. Il entre alors, comme il le souhaitait depuis longtemps, chez Julliard dont le fondateur décèdera trois ans plus tard. En 1962, il dirige cette jeune maison d'édition qui est devenue, en 1946-1948, la rivale des éditions Gallimard et a lancé Françoise Sagan en 1954. Chargé par Sven Nielsen de reprendre la collection « 10/18 » en 1968, Christian Bourgois en fait la collection de poche de référence des lycéens, des étudiants et des couches nouvelles de la société. Parallèlement à son activité aux Presses de la Cité qui ont racheté, à partir de 1962, les maisons Plon, Perrin et Julliard, il ouvre sa propre collection aux auteurs contemporains les plus prestigieux. Parmi eux, citons Borgès, Arrabal, Ginsberg, Burroughs, que l'on voit sur la photo en compagnie de Dominique Bourgois et de James Grauerholz, son agent, Gombrowicz, Jünger et Copi avant 1970, Rezvani, Handke, Tolkien, Lovecraft et bien d'autres après cette date.

Devenu un familier du dîner des éditeurs à la foire de Francfort chaque année, Christian Bourgois ne révèlera que beaucoup plus tard son incapacité à lire l'anglais. Cela ne l'a nullement empêché de publier les auteurs anglo-saxons les plus remarquables parce que sa qualité première était de savoir s'entourer de collaborateurs compétents et fidèles. Parmi ses succès dont il demeurera fier toute sa vie, on peut citer l'édition des romans de Jack London et surtout l'œuvre complète de Tolkien ainsi que celle de Boris Vian. Ayant accompagné l'IMEC dès sa naissance, il en a suivi le déménagement à l'abbaye d'Ardenne et a contribué à y faire venir les plus grands éditeurs, persuadé que l'histoire littéraire ne peut que se nourrir de son compagnonnage intellectuel avec l'histoire de l'édition.

Jean-Yves Mollier