Dans les carnets qu’il tient tout au long de sa vie d’écrivain, André Pieyre de Mandiargues note tout, sauf la date. En aucune façon, il ne s’agit pour lui de consigner les actions de sa vie quotidienne ou le récit de ses rencontres. C’est d’une autre vie que les carnets conservent les traces : celle de sa pensée, de ses lectures, de ses projets. Accessoirement aussi la recette de la tapenade ou l’adresse d’une agence Harley Davidson, notée en marge d’un projet de livre qui deviendra en 1963 La Motocylette. Mais les carnets accueillent surtout l’atelier de son écriture, le lieu où s’esquissent les nombreux textes que l’auteur doit produire en permanence – hommages, préfaces, articles, contributions à des catalogues d’exposition – et où s’expérimente le début de ses romans, récits et poèmes. Un florilège de commencements possibles, ballons d’essais littéraires, nous est ainsi proposé presque à chaque page : « Thomas imagina un œuf, et que cet œuf contenait la mort. » Ou encore : « Une très ancienne croyance populaire, d’origine persane, veut qu’un mage prophète ne puisse être engendré que par un inceste. »
Poète, essayiste et romancier, André Pieyre de Mandiargues (1909-1991) publie un premier livre en 1943 : Dans les années sordides. Il fréquente André Breton et les surréalistes, mais son écriture, empreinte d'onirisme et d'érotisme, reste toutefois peu marquée par leur influence. Dans ses nouvelles et romans, parmi lesquels Soleil des loups (1951), La Motocyclette (1963) et La Marge (prix Goncourt en 1967), l'auteur déploie un univers insolite, envahi de fantasmes où se mêlent des obsessions liées au désir et à la mort. Il a également publié des pièces de théâtre ainsi que de nombreuses études consacrées à des peintres.