Ces deux carnets noir et rouge contiennent la première version de Un récit de la mesquinerie, texte en grande partie inédit. De la dévaluation burlesque à la délicate attention au nuancier des pensées humaines, la mise en lumière des mesquineries – et notamment des siennes – est un des traits saillants du style guibertien. On découvre comment se rencontrent dans ce même lieu qu’est le carnet les différentes définitions d’un personnage en construction, les rêves que l’auteur lui prête mais aussi les obsessions personnelles de Guibert, pensées prosaïques, parfois sordides, élans de lyrisme. Tout fourmille et s’enchevêtre, l’excès d’écriture fonctionne comme un débordement de vie qui brasse aspirations, mémos, considérations intimes et jusqu’aux testaments. La vie envahit le cadre fictionnel avant d’être rattrapée par des morceaux d’écriture très travaillés. La fiction et le style décentrent alors et recadrent, ils font basculer l’intime vers l’universel. On découvre l’œuvre qui se construit.
Plaçant sa vie au cœur de son œuvre littéraire et photographique, Hervé Guibert (1955-1991) fait partie de ceux qui, dans les années 1980, ont ouvert la voie de l’autofiction. Après plusieurs récits remarqués par la critique, il accède à une forte notoriété avec la publication en 1990 de À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie, dans lequel il révélait sa séropositivité. Dans les livres suivants, l’écriture mêle à la fiction le compte rendu précis de l’avancée de la maladie. Dans La Pudeur ou l’Impudeur, film qu’il réalisa l’année de sa mort, Guibert pousse encore plus loin cette démarche de mise à nu radicale.