Au Pôle sud à bicyclette : un récit d'aventure à toutes pédales !
L’auteur italien à succès Emilio Salgari (1862-1911) offre à ses lecteurs le récit à la fois très documenté et fantaisiste d’une expédition au Pôle sud, sur fond de concurrence entre deux explorateurs anglais et américains. Cet ouvrage appartient à la collection d’imprimés de Francis Lacassin.
Écrit en 1895, publié en France par les Éditions Delagrave en 1906, ce roman participe de la mode des récits de voyage, écrits par de véritables voyageurs, ou par leurs lecteurs, tel Emilio Salgari. Celui-ci a en effet écrit de nombreux romans et nouvelles d’aventures, sans jamais quitter son Italie natale. Il s’inspirait uniquement des récits qu’il lisait assidument.
S’y ajoute ici l’engouement pour la bicyclette, mise au point dans sa forme moderne dans les années 1880 et dont la popularité est alors très forte. Le premier tour du monde en grand-bi a été réalisé entre 1884 et 1886. Son auteur, Thomas Stevens en a même publié le récit.
Dans le roman, le personnage de Wilkye, aventurier américain fervent adepte de ce nouveau moyen de locomotion, fait le pari avec Linderman, riche armateur anglais, d’atteindre le pôle sud à bicyclette plus rapidement qu’au moyen d’un bateau.
« Je suis convaincu qu'avec un navire à marche rapide on pourrait y arriver, dit Linderman.
- Je n'y crois guère, dit Wilkye ; mais, par contre, j'affirme qu'avec des vélocipèdes, que monteraient des hommes agiles et robustes, on atteindrait le pôle. » (p.10)
Commence alors un long périple à bord de la goélette l’Étoile polaire pour rejoindre l’Antarctique. Ce trajet très documenté, est agrémenté de descriptions des lieux parcourus, des animaux rencontrés. La dimension encyclopédique est particulièrement marquée en début de chapitres.
Les informations sont transmises par le narrateur ou par les personnages, qui, avant d’entamer l’aventure proprement dite, dialoguent en observant les paysages qui s’offrent à eux.
La fameuse bicyclette elle-même est précisément décrite, mi tandem, mi machine à vapeur :
« [C’] était un vrai chef-d'œuvre. Elle comportait huit roues, dont deux plus grandes et les autres égales, accouplées, mais de façon à ce qu'on pût, au cas échéant, transformer le tout en trois bicyclettes […]. L'appareil était d'acier très résistant, recouvert de peau légère, mais solide, pour éviter les brûlures qui, on le sait, par des froids excessifs, peuvent résulter du contact des métaux. […]
Sur le devant de la machine était placée une petite chaudière à vapeur avec tous ses accessoires, pouvant fournir la force d'un cheval. » (p. 146)
Bien entendu, l’aventure se révèle plus périlleuse que prévue, de nombreux obstacles attendent les trois courageux cyclistes, qui parviennent tout de même à gagner le pôle. À ce moment du récit, le lecteur contemporain doit se rappeler que celui-ci n’a été atteint par l’expédition de Roald Amundsen qu’en 1911. La description qu’en fait Salgari paraît en effet pour le moins fantaisiste.
Wilkyie et ses compagnons sont attaqués par un ours brun gigantesque, alors qu’« aucun des explorateurs n'en a signalé, ni de blancs ni de bruns. » (p.183)
Au pôle, les trois hommes découvrent une mer non glacée, de grande étendue, au milieu de laquelle s’élève une montagne. Sur ses rives vivent de nombreux mammifères et oiseaux marins.
La fiction reprend le dessus dans ce récit qui témoigne de la fascination des occidentaux pour cette contrée particulièrement hostile, que seule l’imagination leur permet d’atteindre, quel que soit le moyen utilisé.
Références :
Au Pôle sud à bicyclette / Emilio Salgari ; traduit de l'italien par J. Fargeau. Paris : Éditions Delagrave, 1906