Les femmes-poètes à l'Imec
Alors que le 7 octobre se déroule la journée d'études « Contemporaines ! Poètes-femmes aujourd'hui » à l'abbaye d'Ardenne, une vitrine d'exposition temporaire dans la salle de lecture de l'abbatiale est dédiée à 7 femmes poètes dont les archives sont conservées à l'Imec. Cette journée d'études prend place dans un ensemble de colloques et journées d'études échelonnés entre 2020 et 2022 pour « donner à découvrir ou redécouvrir des voix très diverses de la poésie contemporaine ».
Anna-Marie Albiach (1937-2012)
Grande figure de la poésie contemporaine française, Anne-Marie Albiach a construit une œuvre discrète et essentielle. Relevant de ce que l'on nomme « poésie blanche » ou « poésie abstraite », son travail traduit une volonté toujours plus forte de pousser le langage au plus loin de ses capacités. Elle publia une douzaine de recueils en quarante ans, parmi lesquels Flammigère (Siècle à mains, 1967), suivi par État, (Mercure de France, 1971), le plus célèbre de ses recueils pour lequel Claude Royet-Journoud écrivit qu'Anne-Marie Albiach venait de « changer le visage de la poésie », ou encore Mezza Voce (Flammarion, 1984) ou Figurations de l'image (Flammarion, 2004). L'anthologie Cinq le Chœur, Œuvres, 1966-2012 (Flammarion, 2014) offre le panorama d'une œuvre à la fois dense et elliptique. Au fil des années, on retrouvera également Anne-Marie Albiach dans de nombreuses revues, dont Action poétique, The American Poetry Review, Bulletin Orange Export Ltd, Change, ou Nioques. Traductrice, notamment de l'Américain Louis Zukofsky, elle fut elle-même traduite par Keith et Rosmarie Waldrop, Joseph Simas et Norma Cole. Son œuvre, reconnue dans le monde entier, fait aujourd'hui l'objet de nombreux travaux. Anne-Marie Albiach s'est éteinte le 4 novembre 2012.
Andrée Chedid (1920-2011)
Poétesse, romancière et dramaturge, née en Égypte de parents d'origine libanaise, Andrée Chedid s'installa définitivement à Paris en 1946 et fit paraître, après une première publication en langue anglaise, un recueil de poèmes, Textes pour une figure (1949), salué par René Char. Les nombreux recueils qu'elle livra ensuite, parmi lesquels La Terre regardée (1957), Double Pays (1965), Par-delà les mots (2000) ou Rythmes (2003), son théâtre, Bérénice d'Égypte (1962), Échec à la reine (1984), ses romans et ses nouvelles, Le Sixième Jour (1960), Marches de sable (1981), La Maison sans racines (1985), L'Enfant multiple (1989), La Femme de Job (1993), Le Message (2000), Petite terre, vaste rêve (2002), puisent profondément leur inspiration et leur force dans ses doubles racines orientales. Couronnée par de nombreux prix, Andrée Chedid est l'une des grandes figures de la francophonie d'aujourd'hui.
Danielle Collobert (1940-1978)
Quittant à 18 ans la Bretagne pour Paris, Danielle Collobert travailla dans une galerie de peinture et publia à compte d'auteur ses premiers poèmes dans Chant des guerres (1961). Militante pour l'indépendance de l'Algérie, elle s'engagea un temps dans un réseau de soutien au FLN puis revint à l'écriture, terminant la composition de Meurtre qui fut édité par Gallimard en 1964 après avoir été ardemment soutenu par Raymond Queneau. Tout en parcourant de nombreux pays (Tchécoslovaquie, Indonésie, Grèce, États-Unis, Mexique, etc.), Danielle Collobert se lia avec Jean-Pierre Faye et la revue Change. Après Dire I et II (1972), suivirent une pièce radiophonique Polyphonie, diffusée sur France Culture en 1973, puis Il donc (1976) et Survie (1978). Danielle Collobert se donna la mort dans une chambre d'hôtel, rue Dauphine à Paris, le 24 juillet 1978.
Marie Étienne (née en 1938)
Après ses vingt-cinq premières années passées en Asie et en Afrique, Marie Étienne a enseigné puis est devenue en 1978 la collaboratrice d'Antoine Vitez, en tant que secrétaire générale, au Théâtre des Quartiers d'Ivry, puis au Théâtre de Chaillot, où elle a assumé, entre autres activités, l'organisation de lectures de poésie. Depuis la parution en 1977 de Blanc clos (La Répétition), elle a publié chez de nombreux éditeurs plus d'une trentaine de livres de poésie, textes en prose, récits, romans et chroniques, dont Anatolie (Flammarion), qui a obtenu le prix Mallarmé en 1997. Elle a participé jusqu'en 2000 à l'aventure politique et intellectuelle de la revue Action poétique (fondée en 1950), ainsi que plus ponctuellement aux revues Alternatives théâtrales, Europe, Digraphe, Po&sie, Les Cahiers de la Comédie française. À partir de 1985, elle est rédactrice à La Quinzaine littéraire, fondée par Maurice Nadeau en 1966. Depuis 2016, elle poursuit cette activité de critique dans la revue en ligne En attendant Nadeau.
Vénus Khoury-Ghata (née en 1937)
Poète, romancière, critique littéraire, Vénus Khoury-Ghata est l'un des grands noms de la littérature francophone contemporaine, elle a bâti au fil des ans, une œuvre riche alternant poésie et romans. Après des études à l'École Supérieure de Lettres de Beyrouth, elle exerce notamment la profession de journaliste. Elle est remarquée pour ses dons d'écriture lorsqu'elle publie son premier recueil poétique Les Visages inachevés, en 1966 à Beyrouth, rapidement suivi de Terres stagnantes, paru en 1967 chez Seghers. Sur les encouragements de la romancière Régine Deforges, elle écrit son premier roman, Les Inadaptés, qui sera publié en 1971 par les éditions du Rocher. Collaboratrice de la revue Europe, dirigée alors par Louis Aragon, elle traduit des poètes français en arabe (Louis Aragon, Alain Bosquet, Jean-Claude Renard). Elle s'installe à Paris en 1972, publiant avec une grande régularité chez Pierre Belfond, Flammarion, Seghers, Actes Sud ou Le Mercure de France. Elle a obtenu le Grand prix de poésie de l'Académie française en 2009 et le prix Goncourt de la poésie en 2011 pour Où vont les arbres (Mercure de France), recueil inspiré par la Guerre du Liban. En mars 2016, une anthologie de l'ensemble de son œuvre poétique paraît dans la collection « Poésie » aux éditions Gallimard.
Nella Nobili (1926-1985)
Écrivaine, poète, figure atypique et marginale, Nella Nobili a partagé sa vie entre la France et l'Italie. Née à Bologne en 1926, elle est, dès l'âge de quatorze ans, confrontée au monde du travail : souffleuse de verre d'abord, aide-soignante hospitalière durant la guerre, cheffe d'entreprise dans l'artisanat (fabrique de boutons de manchette)... Ce parcours fera d'elle une représentante de la littérature ouvriériste, reconnue et soutenue par Michel Ragon (I quaderni della fabbrica, 1948 ; La jeune fille à l'usine, 1978). Fréquentant après la guerre les groupes antifascistes, elle côtoiera peintres et écrivains tels que Renata Vigano, Enrico Berlinguer, Sibilla Aleramo et Giorgio Morandi qui seront les lecteurs de ses premiers poèmes. Au début des années 1950, elle commence la rédaction de son premier journal ; le second, Bloc-notes, débutera à son arrivée à Paris en 1953. Elle rédige ses premiers poèmes en français dans les années 60. Viendront ensuite Le Sommeil de la raison engendre des monstres (1970), Les Femmes et l'amour homosexuel (avec Edith Zha, 1979), Histoire d'amour (1980). Elle se suicide à l'âge de 59 ans.
Catherine Weinzaepflen (née en 1946)
Après une enfance passée en Alsace et en Centrafrique, Catherine Weinzaepflen suit des études de lettres à l'université de Strasbourg et s’installe à Paris en 1977. Avec Christiane Veschambre, elle anime la revue Land (1981-1984) et collabore régulièrement à la revue CCP (Cahier critique de poésie). Membre du Comité de lecture des éditions Flammarion, elle a créé et anime des ateliers d’écriture à l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg et à l’École spéciale d'architecture de Paris (2004-2019). Poétesse, elle est aussi traductrice et romancière. Son dernier récit, L’Odeur d’un père, est paru aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque (2021). Catherine Weinzaepflen a confié ses archives à l’Imec en 2014.
Liens vers les fonds Anne-Marie Albiach, André Chedid, Danielle Collobert, Marie Étienne, Vénus Khoury-Ghata, Nella Nobili et Catherine Weinzaepflen sur le portail des Collections.
La journée d'études « Contemporaines ! Poètes-femmes aujourd'hui » a lieu le 7 octobre 2021 à l'abbaye d'Ardenne, elle est suivie de Contemporaines ! La soirée.
La vitrine consacrée aux femmes poètes est visible dans l'abbatiale de l'abbaye d'Ardenne jusque fin janvier 2022.