La photo me ramène quarante ans en arrière. Et me reviennent les souvenirs de cette année 1978 où nous préparaient à la fameuse « leçon » de l’agrégation de philosophie Althusser, Derrida, Pautrat… Nos trois « caïmans » ensemble, pour écouter nos exposés avant de nous expliquer ce que nous avions cherché à faire et pourquoi la cible n’avait pas été totalement atteinte… Exercice pédagogique de déconstruction. Mais de cette scène particulière où Louis Althusser, la cigarette aux lèvres, est à côté du tableau où il a écrit « l’avenir dure longtemps », je ne me souviens plus du tout. Pourtant… Mai 1978, je devais forcement être présent. Et cette phrase, l’avenir dure longtemps… Je suis troublé car la photo m’apprend que contrairement à ce que je croyais, Althusser l’aurait déjà dite et écrite avant d’en avoir fait le titre de son livre de « mémoires ». C’est après les avoir longtemps associés à ce livre seul que j’ai appris que ces mots étaient du Général de Gaulle.
Qu’en écrivant cette phrase au tableau Althusser nous dise qu’il méditait le fait selon lequel la signification que l’histoire à venir donnera à nos actions est ultimement contingente, imprévisible, cela ne surprendra pas : à cette époque ce n’était pas la nécessité historique qu’il pensait mais la contingence…
Je crois que je comprends pourquoi je ne me souviens pas d’un « séminaire » donné par Althusser en mai 1978 dans lequel il aurait été amené à citer cette parole de de Gaulle. Et pourquoi un ami philosophe de la même promotion que moi ne s’en souvient pas non plus. Ce « séminaire » était joué. C’était pour la photo. L’image n’est pas celle d’un Althusser surpris en plein cours. C’est celle de la représentation d’un séminaire d’Althusser. Qui sait pour illustrer quelle intervention ! À moins que ce ne soit quelque malin génie qui trouble mon souvenir du maître en cette année-là ?
Contingence.