Tout Muray est là. Le brillant polémiste, l'essayiste, l'homme de vaste culture. Balzac était son Dieu. Céline, Rubens, Bataille, Klossowski, René Girard, Debord, ses apôtres. Quant aux diables, ils sont présents dans ce texte : l'édition, la presse, le business de la Communication, l'ordre établi. Le souci de Muray : le réel ; l'arme pour le combat : le roman. Artpress fut pendant des années, à partir de 1976, le lieu où il batailla (y compris, ô paradoxe, contre l'art contemporain). Nous avons été parmi les premiers à défendre ses romans, Chant pluriel en 1973, Jubila en 1976. Nous nous brouillons avec lui en 1996, dans le même temps où il rompt avec Sollers. Il fut pour Catherine et moi un ami très cher. Jeune, on le voit sur les photos d'alors avec quelque chose de lumineux en lui. Les années passant, s'assombrit peu à peu celui que Sollers appelait avec une amicale ironie « l'abbé Muray ». Il perd de sa gaieté, de son humour, de sa drôlerie, probablement à cause de l'échec de ses romans. Il devient acariâtre, haineux (son Journal, dont j'ai rendu compte dans artpress et l'Obs, en montre le caractère pathologique). Politiquement, il flirte avec l'extrême droite. Cela dit, son œuvre critique et polémique reste incontournable. Le regard lucide qu'il jeta sur son époque nous manque cruellement aujourd'hui.
Jacques Henric