Le saut de l'ange ! C'est un titre et une pièce que j'aime beaucoup. Référence à une figure de gymnastique, saut dans le vide !
Je me souviens du désir de Dominique de déconstruire, de mettre à nu. Mettre à nu sa belle danse, retrouver un langage brut, visiter l'enfance, la danse avant l'apprentissage, et visiter les rêves de chacun des danseurs. Faire avec de la pacotille, petites lumières de Christian Boltanski, ange fait d'un bouchon et d'une simple plume pour un moment de grâce pendant le spectacle. Costumes de mardi-gras sortis d'une malle de grenier.
Peu de concessions, début de la pièce sans fards, ni lumières mis à part celle du soleil couchant jusqu'à la nuit. Une expérience inédite, géniale : des danseurs qui parlent. Un danseur s'échauffe, répète, glisse, saute, écoute, mais parler n'est pas dans ses habitudes et encore moins sur scène. Tout du moins dans ces année-là. Dominique a toujours désiré donner la parole aux danseurs (ses) de sa compagnie. Voulait-on être chorégraphe ? Il faisait confiance et encourageait celui ou celle qui le souhaitait. Si nous étions interprètes, il n'avait de cesse de nous faire participer et de nous impliquer dans le processus de création comme dans Les petites pièces de Berlin, où il nous proposait d'être partie prenante de la chorégraphie.
A partir de descriptions de divers tableaux du musée Fabre à Montpellier ou de reproductions, nous avons élaboré des textes qui sont devenus les supports sonores de différentes scènes du « Saut ». Pas d'illustration, sortes de fenêtres ouvertes sur des paysages.
Cette pièce a été un sacré enjeu. Et pas toujours appréciée à l'époque. Mal comprise ? Quel bonheur de la danser ! Fragile et en même temps bien ancrée, gestes dessinés, étonnants comme seul Dominique pouvait les inventer, précision, humour... rencontres, mini histoires qui unissent les personnages dans une fantaisie audacieuse. La grosse danse : taper des pieds, faire vibrer le plateau comme un défi !
Je me souviens d'un jour où j'avais travaillé à un remontage de cet extrait avec des élèves. Quelqu'un vient dire aux danseurs : « surtout ne faites pas de bruit en dansant ! » Cela m'avait bien amusée !
Chaque pièce que j'ai dansée avec la compagnie a été une nouvelle aventure et un nouveau questionnement sur la danse, la découverte d'univers artistiques.
Pas de recette. Dominique était toujours en recherche. Très sensible et à l'écoute des personnes qui l'entouraient.
Quand je l'ai rencontré en 1983 il préparait son solo F. et Stein. Dans une friche dont les murs étaient couverts de graffitis. J'ai immédiatement « flashé ». A ce moment-là j'étais à Angers et nous venions avec des amis de danser dans une ancienne usine désaffectée, une chorégraphie assez Rock and Roll, une sorte d' « event ». Ce lieu nous inspirait particulièrement. Danser à l'extérieur, avoir un décor, une architecture pour mettre la danse en scène c'était très excitant. Après j'ai préparé un solo sur un texte de Marguerite Duras, des interviews. J'adore sa voix, sa tonalité, son rythme !
J'aime le travail de la voix et j'ai aimé les textes d'Emmanuel Bove que Dominique m'a fait découvrir.
Voilà des petites choses qui ont matché avec Dominique ! J'ai aimé sa façon de travailler, j'ai aimé sa danse et faire partie de cette belle compagnie. Je suis heureuse de pouvoir transmettre et partager maintenant certaines de ses chorégraphies que j'ai dansées, témoignages d'une danse et d'un parcours si riches de sensations et d'émotions.
Claire Chancé