Hubert Goldet était certainement « un jeune homme à suivre », comme le présentait le magazine Elle en 1974, mais ce n'est pas en tant que « fondateur de revue » qu'il a acquis sa réputation.
Lorsque Daniel Templon et moi avons sollicité des personnes susceptibles de nous aider à lancer un magazine d'art, il n'est pas le premier que nous avons rencontré, mais il est celui qui nous a immédiatement dit : « d'accord, à condition que je sois le seul financier. » De fait, pendant trois ans, il investit beaucoup de temps et d'argent dans artpress, s'employant de surcroît à convaincre des annonceurs. Déjà grand collectionneur, il avait des rapports privilégiés avec de nombreuses galeries d'art moderne et contemporain, à Paris et à Londres, mais aussi des galeries d'art primitifs. Voilà pourquoi dans cette revue débutante qui tirait à trois ou quatre milles exemplaires, il y avait de grandes pages d'annonce pour Sotheby's, The Waddington Galleries, ou encore la Galerie Simone de Monbrison. Et pourquoi à côté des pages consacrées à Ad Reinhardt, Claude Viallat et Roland Barthes, on trouve, dès le numéro 4 de mai-juin 1973, un grand article sur l'influence des arts africains sur l'art moderne.
Né la même année que Templon, en 1945, Goldet achetait régulièrement à la galerie, notamment des tableaux de Marc Devade qu'il aimait particulièrement. Mais la passion qui peu à peu s'imposa chez lui fut pour les arts primitifs. Tous ceux qui lui ont rendu visite, dans son appartement aux volets fermés, en rez-de-chaussée d'un immeuble de l'avenue Pierre 1er de Serbie, se souviennent de l'incroyable accumulation d'œuvres qu'il commençait à réaliser. Il est mort en 2000, non sans avoir donné auparavant en dation quelques chefs-d'œuvre d'art du Congo et du Mali, aujourd'hui au Musée du quai Branly. Je me souviens qu'en 2001, peu de temps avant la dispersion aux enchères de sa collection, Monique Barbier-Muller me fit ce commentaire : « nous sommes tous dans les starting blocks. » Nous, cela voulait dire les plus grands collectionneurs au monde, tels qu'elle-même et son mari.
C'est dans ce cercle prestigieux qu'Hubert Goldet, héritier mal à l'aise d'être trop riche, avait finalement, avec modestie et discrétion, trouvé sa place. À artpress, lui qui se cherchait s'était trouvé confronté à Daniel Templon et à moi sans doute trop sûrs de nous, ou faisant mine de l'être. Il se lassa, des difficultés économiques, liées à la crise pétrolière du milieu des années 1970, apparurent qu'il n'avait sans doute pas envie d'assumer. Il se retira d'artpress à la fin de l'année 1974.
Catherine Millet