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André Gorz
Au Camarade Che Guevara

André Gorz, Au Camarade Che Guevara

André Gorz, de son vrai nom Gerard Horst, est né à Vienne, Autriche, en 1923 et s'est donné la mort, avec sa compagne Dorine, atteinte d'une maladie dégénérative, dans l'Aube en 2007. Philosophe, disciple de Jean-Paul Sartre, essayiste, journaliste, il fut un des fondateurs du Nouvel Observateur, sous le pseudonyme Michel Bosquet et, à partir de 1969, un des animateurs des Temps Modernes. Marxiste hétérodoxe, il deviendra, à partir de 1975, un des pionniers d'une écologie politique anticapitaliste, l'éco-socialisme.

Le document « Au camarade Che Guevara », à papier en tête des Temps Modernes (verso de cette page), probablement rédigé vers 1967 ou début 1968, est un témoignage frappant de sa fibre révolutionnaire et de l'attirance, partagée par ses amis de la revue, pour les révoltes du Tiers-Monde. La comparaison, qui peut sembler curieuse, entre Guevara et « un agitateur juif » crucifié par les Romains, illustre la dimension légendaire prise par la mort du révolutionnaire argentin.

L'admiration, et une sorte d' « envie » pour le combattant tombé dans les montagnes de la Bolivie en octobre 1967, s'accompagne d'un sentiment de distance : « je t'écris d'un continent lointain ». Gorz décrit la souffrance des travailleurs européens, ces hommes qui « ne sont pas heureux », et qui sont obligés de travailler « sans savoir pourquoi, pour [?] qui ni pour quoi ». Plus qu'un tract politique, c'est l'œuvre d'un philosophe humaniste, qui définit le socialisme comme « la négation de l'argent et des rapports marchands », et qui proclame sa foi : « l'homme est possible ». La conclusion semble optimiste : la révolution finira par triompher de l'empire. Mais il n'y a aucune référence au soulèvement de Mai 68, ce qui semble indiquer que le texte a été rédigé avant cette date.

La tonalité de ce document est assez différente de ce qu'il avait écrit dans son livre Stratégie ouvrière et néocapitalisme (1964), qui plaide pour une stratégie de « réformes révolutionnaires ». S'agit-il d'une radicalisation de l'auteur, ou simplement d'un contexte différent, celui des révolutions dans les pays du Sud, ? Les deux lectures sont possibles. En tout cas, le texte révèle un aspect moins connu d'André Gorz.

Michael Löwy