Ce document est sans doute une esquisse d'un des chapitres du livre Miguel Abensour L'histoire de l'utopie et le destin de sa critique, qui constitue le Tome IV de la série intitulée Utopiques. Il date probablement de 1991. Contrairement à la plupart des lecteurs de Marx, qu'ils soient marxistes ou pas, il montre que l'opposition « radicale » entre l'auteur du Manifeste Communiste et les utopistes est un mythe, dont la responsabilité incombe à une certaine orthodoxie marxiste, qui va s'appuyer sur la célèbre brochure de Friedrich Engels, Socialisme utopique et socialisme scientifique.
Abensour plaide pour une approche dialectique, qui prend en compte la complexité du Manifeste, ses présuppositions et ses prolongements. Son objectif est d'intégrer l'apport de Marx à sa réflexion historique et philosophique profondément novatrice sur les utopies. Une notice en bas mentionne deux livres à consulter, Herr Vogt et Misère de la Philosophie. Cependant, dans la version publiée, ces ouvrages ne sont pas cités.
Cette esquisse ne se réfère qu'à la première partie de l'essai sur Marx et les utopistes — « Marx, quelle critique de l'utopie ? » paru en 1992 dans la revue Lignes — qui va développer une étude en détail de la section 3 du Manifeste, « Le socialisme et le communisme critico-utopique ». Dans l'essai publié, Abensour affirme que le contraste entre l'utopie et la science « appartient à l'histoire du positivisme plutôt qu'à celle du marxisme ». Il ajoute que « Marx ne critique pas les utopies par leur excès et leur irréalisme, mais par leur défaut de radicalité ».
La singularité d'Abensour dans l'univers culturel et politique français c'est sa capacité à donner naissance à un nouvel esprit utopique, de sensibilité libertaire, mais qui prend aussi en considération l'apport de Karl Marx.
Michael Löwy