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Daniel Bensaïd
Lettre à Michael Löwy

Lettre à Michael Löwy

Daniel Bensaïd (1946-2010) fut un militant révolutionnaire et un penseur marxiste. En mars 1968 il va fonder, avec Daniel-Cohn Bendit le « Mouvement du 22 Mars » a Nanterre, qui va jouer un rôle important dans la préparation de Mai 68. Fondateur et dirigeant de la Ligue communiste révolutionnaire, et de la IV^e^ Internationale secrétariat unifié (trotskyste), il fut aussi professeur de philosophie à l'Université de Paris 8 (Vincennes). Bensaïd produit, à partir de 1989, une œuvre politique et philosophique importante où la découverte de Walter Benjamin jouera un rôle décisif. Il va ainsi publier une série de livres qui renouvellent la théorie marxiste, à commencer par Walter Benjamin sentinelle messianique (1990), suivi par La Discordance des temps : essais sur les crises, les classes, l'histoire (1995) ; Marx l'intempestif : Grandeurs et misères d'une aventure critique (1995) également ; et mon préferé, Le Pari mélancolique (1997).

Daniel Bensaïd était un ami et un camarade ; nous avons partagé beaucoup, à commencer par la passion pour Walter Benjamin, et nous avons écrit ensemble un essai sur « Auguste Blanqui, communiste hérétique ». Certes, on avait quelques désaccords : contrairement à lui, j'étais plus « luxemburgiste » que « léniniste » ; il était réservé par rapport à mon intérêt pour le romantisme et l'utopie. Mais j'ai une grande admiration pour ses écrits et en particulier pour sa ré-interpretation marxiste du pari pascalien, comme fondement ultime du projet révolutionnaire.

J'ai dans ma correspondance quelques lettres de lui, dont celle-ci. Datée de mai 1989, elle fut écrite au moment où Bensaïd rédigeait son premier grand livre à vocation politique/littéraire, Moi, La Révolution (Remembrances d'une Bicentenaire Indigne).(C'est cette œuvre qu'il décrit dans la lettre comme « ma bicentenaire », qui lui donne « beaucoup de démêlés » : c'était la première fois qu'il rédigeait un livre de ce type, à la première personne (« Moi »), sans rapport direct avec le problèmes de stratégie ou tactique politique. On voit aussi qu'il lutte pour trouver un équilibre entre cette activité « littéraire » et « l'empilage des activités militantes ». Le livre qu'il mentionne à la fin est Permanences de la Revolution (1989), auquel participèrent plusieurs auteurs — Étienne Balibar, Denis Berger, Michelle Riot-Sarcey et moi-même, entre autres. La contribution de Bensaïd fut un essai intitulé « Un Bicentenaire thermidorien », qui reprend, en termes plus directement politiques, la critique aux célébrations officielles, sous l'égide de François Mitterrand, qu'il développera dans le livre Moi la Revolution (1989). Les révolutionnaires marxistes ne voulaient pas laisser à la social-démocratie l'héritage explosif de la Grande Révolution de 1789...

Michael Löwy