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Dionys Mascolo
Déclaration sur le droit à l'insoumission

Déclaration sur le droit à l'insoumission

Dionys Mascolo (1916-1997), brillant intellectuel, résistant, communiste dissident, fut le mari de Marguerite Duras et l'ami de son premier époux, Robert Antelme. Il adhére au PCF en 1946 mais est exclu, avec M. Duras, en 1950. Son ouvrage Le communisme (1953), un ouvrage original et inclassable, qui plaide pour une sorte de « communisme surréaliste », attire l'attention d'André Breton, qui invite Mascolo à participer aux activités des surréalistes. Suite à la prise du pouvoir par le Général de Gaulle, il fonde, avec Jean Schuster, un des principaux animateurs du groupe surréaliste, une revue anti-gaulliste, Le 14 Juillet. Durant toute cette période, il accueille, avec Marguerite Duras, de nombreux intellectuels de gauche dans leur appartement de la rue Saint-Benoit pour des échanges politiques et philosophiques. On y retrouve notamment Maurice Merleau-Ponty, Claude Roy, Maurice Nadeau ou Jean-Pierre Vernant. On les appelle « le groupe de la rue Saint-Benoit ».

La pièce ici choisie est « un document historique » : une première version de la célèbre « Déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie » (dite Manifeste des 121), qui proclame : dans les conditions de la guerre coloniale en Algérie, « le civisme ne serait que soumission honteuse. La désertion n'est plus désertion. L'insoumission devient un droit sacré ».

On peut considérer ce document comme l'expression d'une tradition marxiste qui remonte au chapitre sur l'accumulation primitive du premier volume du Capital de Marx : l'anti-colonialisme. On la retrouve au XX^e^ siècle chez Rosa Luxemburg, Lénine et Trotsky, sans parler des marxistes des pays colonisés. Mais cet appel n'est pas une analyse marxiste du colonialisme français en Algérie, ses fondements économiques et sa dynamique historique oppressive — même si ces aspects ne sont pas absents ; la tonalité prédominante du document est celle d'une protestation radicale, éthique et politique, contre la guerre coloniale et son cortège de crimes.

Le manifeste se termine sur trois propositions finales :

« Nous respectons et jugeons justifié le refus de prendre les armes contre le peuple algérien.»

« Nous respectons et jugeons justifiée la conduite des Français qui estiment de leur devoir d'apporter aide et protection aux Algériens opprimés au nom du peuple français. »

« La cause du peuple algérien, qui contribue de façon décisive à ruiner le système colonial, est la cause de tous les hommes libres. »

La version ici présentée permet de se rendre compte de quels paragraphes furent rédigés par Dionys Mascolo (les initiales DM) ou par Jean Schuster (JS). Plus tard, Maurice Blanchot participera à la rédaction finale. Cette version initiale diffère quelque peu de celle qui fut publiée. On voit un passage sur l'histoire de la conquête coloniale de l'Algérie barré par Jean Schuster.

Michael Löwy