Jean-Michel Palmier (1944-1998) était enseignant d'histoire de l'art à l'université de Paris 8. Mais ses interêts le portaient aussi vers la philosophie, l'histoire et la politique. Parmi ses premiers écrits un ouvrage sur Wilhelm Reich et un autre sur Herbert Marcuse, les deux en 1969. Palmier était fasciné par la culture allemande anti-fasciste, à laquelle il a dédié un ouvrage important en 1988 : Weimar en Exil : le destin de l'émigration intellectuelle allemande antinazie en Europe et aux Etats Unis, en deux volumes. Il aimait beaucoup la ville de Berlin, sur laquelle il a écrit deux livres très personnels. Un autre livre notable fut L'expressionisme comme révolte (1978). Au cours des années 1990 il s'est intéressé surtout à l'œuvre de Walter Benjamin, au centre de ses cours à l'université. Le livre qu'il a rédigé n'a pu paraître qu'après sa mort, dans une édition préparée par son ami Florent Perrier : Walter Benjamin. Le chiffonier, l'Ange et le Petit Bossu (Klicksieck, 2008).
J'avais beaucoup aimé les deux premiers livres de Jean- Michel Palmier, sur Reich et Marcuse. J'étais plus réservé au sujet de son intérêt pour Heidegger. Nous nous sommes connus vers la fin des années 1970. J'avais une grande admiration pour ses écrits sur l'expressionisme et surtout pour son opus sur « Weimar en Exil ». Il m'avait envoyé ce livre avec l'amicale dédicace suivante : « Cher Michael — tout ce qui est dans ce livre t'est si familier, que c'est un peu une lettre que je t'émis ». Son livre encyclopédique (964 pages) sur Benjamin est une œuvre magistrale, qui n'a pas son équivalent en langue française. À l'époque où il écrivait ce livre, je n'avais publié qu'un chapitre sur Benjamin dans mon livre sur le messianisme libertaire en Europe centrale (Rédemption et utopie, PUF, 1988). Dans une référence à ce texte, Palmier manifestait son accord : « Refusant lui aussi toute "périodicisation" de l'œuvre de Benjamin, M. Löwy insiste sur la permanence des catégories théologiques, des thèmes romantiques et messianiques qui marquent aussi bien ses écrits de jeunesse que les Thèses de 1940 » (p. 728).
Les notices ci-dessous concernent les lectures de Marx et des marxistes par Benjamin. Dans l'énumération des œuvres marxistes apparaissent l'ABC du Communisme de Boukharine, l'autobiographie de Trotsky, l'Histoire du bolchévisme d'Arthur Rosenberg, etc. C'est une liste très limitée : n'y figurent pas des auteurs décisifs pour Benjamin comme Georg Lukacs, Karl Korsch, Ernst Bloch ou Theodor Adorno. Il est probable que les titres sélectionnés ne soient que ceux concernant le communisme. Au sujet de Marx, Palmier cite seulement La Sainte Famille et Le Capital, notamment le chapitre sur le fétichisme de la marchandise, qui, à son avis, est interprété par Benjamin comme « la théorie de la connaissance de Marx ».
Michael Löwy