Le résumé de l'histoire de la librairie Stock qui figure dans cette annonce du Bulletin périodique de la librairie Stock dit l'essentiel d'une maison d'édition qui n'est certes pas la plus vieille de France mais qui témoigne d'un parcours exceptionnel et d'une capacité d'adaptation remarquable. Tout commence le 6 juillet 1839, date à laquelle Jean-Nicolas Barba, un des grands éditeurs de théâtre, cède à Christophe Tresse son fonds installé sous le péristyle de la Comédie-Française. S'il est donc abusif de remonter aux libraires Cailleau, Duchesne et Dabo et à l'année 1708, il est également discutable d'attribuer à la librairie Tresse tout le prestige des libraires Barba puisque le fonds romanesque de cette entreprise passa, en 1877, à l'éditeur Jules Rouff. C'est donc une maison d'édition entièrement consacrée au théâtre que Christophe Tresse, de 1839 à 1845, puis son frère Nicolas, de 1845 à 1871, et, enfin, la veuve de ce dernier, Anne Tresse née Stock, ont dirigée jusqu'au 5 mai 1885. À cette date, Pierre-Victor Stock signe avec sa tante l'accord qui fait naître la maison d'édition Tresse et Stock, transformée, en mars 1897, au départ de la tante, en librairie Stock. Champion de la cause dreyfusarde depuis la fin de l'année 1896, ce sportif amateur d'aviron né en 1861 était entré comme commis-libraire chez Masson en 1875 puis chez sa tante deux ans plus tard. Les boutiques installées « 8, 9, 10 et 11, galeries du Théâtre Français, Palais-Royal », disait la publicité, seront incendiées avec le théâtre en mars 1900 et la librairie déménagera en face, au 155, rue Saint-Honoré, où la librairie Delamain, Boutelleau et Cie, aujourd'hui propriété de Gallimard, existe toujours.
En s'intéressant à la littérature contemporaine et en rachetant le fonds Savine, Stock avait récupéré à la fois la « Bibliothèque sociologique » consacrée aux écrivains anarchistes, la « Bibliothèque cosmopolite », son fleuron au XXe siècle, où il avait trouvé Ibsen, Strindberg, Tolstoï, et un portefeuille d'auteurs français dont Huysmans, Bloy, Darien et Descaves. Le succès de sous-Offs, celui de Là-bas, les 150 volumes consacrés à l'affaire Dreyfus, le Théâtre-Libre d'Antoine, les œuvres de Jean Grave, de Sébastien Faure, mais aussi Swinburne, Björnson, Élémir Bourges, Jean Lorrain, Paul Margueritte ou Rachilde, feront des catalogues de Pierre-Victor Stock une vitrine assez exceptionnelle avant l'entrée en scène des éditions de la NRF en 1911. Joueur invétéré, l'éditeur qui a accepté les offres de Jacques Chardonne (Jacques Boutelleau) et a renfloué la trésorerie de sa maison d'édition au même moment, est condamné à le rembourser lorsqu'éclate la Première Guerre mondiale. En 1921, il sera écarté de la direction de son entreprise par Jacques Boutelleau et Maurice Delamain qui ont organisé une vente aux enchères rocambolesque pour être sûrs de pouvoir s'emparer d'une maison d'édition enviée qu'ils transporteront rue du Vieux-Colombier. Les trois séries de son Mémorandum d'un éditeur publiées en 1935-1938 donnent une image assez vertigineuse de l'activité d'un des plus grands éditeurs de la Belle Époque. Décédé en 1943, il aurait eu cent ans en 1961 lorsque la Librairie Hachette fit de Stock une de ses filiales.
Jean-Yves Mollier