Au début des années 1980, la physionomie de l'édition française, jusque-là familiale et indépendante, change brutalement. C'est d'abord la Librairie Hachette, dirigée par la famille du fondateur, qui passe sous le contrôle de Jean-Luc Lagardère, PDG de Matra, en décembre 1980. À la veille d'une élection présidentielle particulièrement disputée, Valéry Giscard d'Estaing a renoncé à patronner une opération qui aurait permis à la Compagnie européenne de Publicité-Communication (Havas), et à la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion (RTL), d'absorber le Groupe Hachette. Jean-Luc Lagardère en a profité pour ajouter à la station de radio Europe n° 1 qu'il contrôle, un véritable empire qui repose sur de puissantes messageries, possède des dizaines de journaux, et domine à la fois l'édition scolaire et l'édition de jeunesse. Depuis 1920, Hachette et Larousse sont entrés en concurrence, mais dès 1933, Larousse qui avait lancé la Maison du livre français, une coopérative de distribution des livres, a signé un gentlemen's agreement avec les Messageries Hachette. La guerre a repris au milieu des années 1970 lorsque Hachette, peu présent dans le secteur des dictionnaires et des encyclopédies, a commencé à vouloir pénétrer ce marché. Profitant des volontés des actionnaires de Larousse, tous descendants des deux familles fondatrices, de vendre leur entreprise, Jean-Luc Lagardère a proposé, en août 1983, de la racheter tout en maintenant son indépendance par le biais d'une holding financière (Marlis) qui gèrerait à la fois Hachette et Larousse, soit 40 % de l'édition française. Parallèlement à cette offre, deux autres acteurs entrent en scène : les Presses de la Cité, et la CEP-Communication, donc Havas. C'est finalement cette dernière entreprise, matrice du futur Groupe de la Cité, qui l'emportera. Il est à noter que l'ancien vice-président du Groupe Hachette, Claude Labouret, était devenu Directeur général de Larousse en septembre 1981. Dès l'absorption de Larousse par la CEP-Communication, déjà propriétaire de Nathan, il sera remercié et remplacé, en janvier 1985, par Bruno Rohmer, Directeur général de la CEP-Communication et ancien banquier d'affaires. Trois ans plus tard, la constitution du Groupe de la Cité (CEP-Communication + Presses de la Cité) allait dresser, face au Groupe Hachette, un deuxième géant de l'édition. En 2004, le partage de Vivendi Universal Publishing entre Editis (60 %) et Hachette (40 %) fera entrer les éditions Larousse au sein de Lagardère Publishing, réalisant, avec vingt ans de retard, et un an après sa mort, l'ambition de Jean-Luc Lagardère pour qui les éditions Larousse possédaient un capital symbolique très fort. Davantage encore que leur valeur marchande, il voyait dans l'éditeur du Petit Larousse illustré le complément naturel des manuels scolaires dont son groupe s'était fait une spécialité.
Jean-Yves Mollier