Dans l’œuvre d’Andrée Chedid, la figure de la mère, aimée et louangée, est omniprésente. Composé en septembre 1994 dans les jours qui suivirent sa disparition, le poème « Elle, jadis » témoigne pourtant, malgré l’auteure, des ambiguïtés de l’amour. Plus que de son sentiment d’avoir été délaissée durant l’enfance par des parents absorbés par leur vie mondaine, c’est peut-être de l’éblouissement de la grande beauté de sa mère qu’Andrée Chedid aura eu du mal à se remettre. Le poème d’amour qu’elle écrit pour sa mort la fixe dans la distance d’une image : celle d’une femme qui descend le bel escalier du Grand Hôtel de Sofar (lisons aussi « so far ») dans sa belle robe de mousseline rose. Dans ce magnifique hommage, Andrée Chedid développe une séquence cinématographique dont elle est la grande absente.