Dans cette lettre, M. Abensour évoque le projet de recueil « Éléments pour une critique de la science politique américaine. Prolégomènes à une critique de la politique ». Cette missive a le même objet que celles précédemment adressées à P. Clastres et M. Horkheimer ; elle reprend des éléments similaires mais sont aussi mentionnées des références à Georges Bataille et Claude Lefort. Ce qui distingue cette lettre des précédentes, c'est l'accent porté sur Marx, celui des années 1843-1844, sur Misère de la philosophie (1847) et c'est dans ce cadre que M. Abensour souhaite publier deux textes d'E. Bloch : l'un sur « l'utopie comme catégorie nécessaire d'une théorie critique » et un autre sur « l'abolition de l'État ».
M. Abensour évoque le livre d'E. Bloch Droit naturel et Dignité humaine alors inaccessible en français et dont il n'a connaissance que par des comptes rendus. Il mentionne la collection qu'il prépare et regrette la faible présence des livres de l'auteur en France (L'Esprit de l'utopie de 1923 est publié en France en 1977 ; Le Principe espérance de 1959 en 1976). M. Abensour édite dans la collection « Critique de la politique » Droit naturel et Dignité humaine en 1976 suivi, dans la même collection, par Héritage de ce temps (1978 puis 2018) et Experimentum mundi en 1981.
Il convient de noter que les conceptions blochiennes de l'utopie ne coïncident pas avec celles développées par M. Abensour comme on le constate en lisant les textes de ce dernier.
Pour convaincre son interlocuteur, qui fait valoir l'utopie « concrète », de participer à son projet, M. Abensour, pour qui « l'utopie est à sauver, car consubstantielle à tout mouvement social radical », se réfère aux jeunes gens pour qui « la Commune n'est pas morte ».
Anne Kupiec
