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La « misère du marxisme »

La « misère du marxisme »

Le concept central de la réflexion de Maximilien Rubel, qui lui permet d'établir un lien entre la triade utopique et la critique marxienne, c'est celui de l'éthique du comportement révolutionnaire. Il rejoint ainsi la pensée de Karl Kraus qui parlait des « critères terrestres de la morale et de la raison que Hitler et Staline ont pu certes déformer, mais non pas supprimer ». C'est ce critère qui a permis à Maximilien Rubel d'établir la césure entre Karl Marx et les marxistes-léninistes qui ont été au-delà de ce que craignait Karl Kraus : les critères de la morale et de la raison ont été déformés afin qu'ils s'accordent avec l'analyse politique du marxisme des intellectuels au service du PC. Que dit Maximilien Rubel, dans cette lettre à Miguel Abensour du 1er juin 1973, en résumé de ses prises de position sur la « misère du marxisme » :

« Il me vient à l'idée que cette misère du marxisme pourrait s'expliquer de façon purement "matérialiste" : en l'absence d'un mouvement prolétarien selon la vision de Marx, la fuite devant l'exigence éthique dont l'œuvre marxienne est le porteur ne peut s'opérer qu'en direction d'un spiritualisme (le plus souvent inconscient) idéologique. […] d'autre part, ma thèse peut se réduire à la formule que voici : l'enseignement de Marx est une éthique médiatisée par une science critique (ou une critique Scientifique). Par conséquent, l'absence d'une "éthique" en tant qu'œuvre spéciale — qui aurait été tout au plus une critique de la morale bourgeoise — démontre la signification éthique de toute l'œuvre de Marx. »

En empruntant cette voie, Maximilien Rubel s'est éloigné des marxismes pour retrouver Marx tel qu'en lui-même ; et c'est par ce Marx qu'il a rejoint Miguel Abensour et son œuvre d'éditeur immergé dans la pensée de ses auteurs.

Louis Janover